Cher.e lectrice & lecteur, voici un exercice pas des plus faciles auquel je m’attelle : écrire un article pour dire au revoir à mon aventure en tant qu’animatrice-formatrice à RdC. Que dire de toutes ces années si riches sur le plan professionnel et si épanouissantes sur le plan humain ? Après une longue embarcation de 7 années sur la planète continentiste, où atterrir ? Ne vais-je pas perdre en substance en voulant y mettre des mots ? Sans me formaliser, je décide de me lancer en partant de la situation dans laquelle je suis, autrement dit à un carrefour sur mon chemin. D’autres voies se dessinent mais avant de m’y embarquer, je décide de m’arrêter pour me retourner et contempler avec vous ce chemin parcouru au sein de RdC.
Pour me situer, je suis Margot, originaire des montagnes et plus précisément d’un petit village au pied de la Chartreuse, vingt neuf ans et toutes mes dents, je décide de prendre mon envol pour de nouvelles aventures ! Ce n’est pas sans un bon pincement au coeur que je quitte la gaieté de Bruxelles ma belle et plus encore celle de ma famille de pensées et de cœur, le collectif RdC, qui m’aura accompagné durant toutes ses années !
Pour la rétrospective, je suis arrivée en avril 2014 pour réaliser un stage chez Rencontre des Continents dans le cadre de ma 2ème année d’études à Bordeaux en Animation sociale et socioculturelle option Développement local et Solidarité internationale (oufti !). J’avais réalisé mon mémoire sur l’accessibilité des AMAP (l’équivalent des GASAP) et la thématique de l’alimentation s’était imposée dans mon projet professionnel. Quand j’ai rencontré Astrid & Sébastien à l’écolieu Jeanot lors de la formation qu’iels donnaient « Notre assiette pour comprendre le monde » (j’avais rencontré Quinoa pour la formation autour du Jeu de la ficelle, un classique chez nous !), ce fut un vrai coup de cœur pour l’étudiante que j’étais ! J’ai tout de suite apprécié leur posture…pas de chichi et beaucoup de partages ! L’alimentation était vue sous une approche non linéaire mais bien systémique... Iels exploraient plusieurs dimensions (sociale, écologique, économique, politique, etc) et ce décloisonnement me paraissait essentiel ! Suite à ce stage en 2014, Véronique (coordinatrice à ce moment) me propose de réaliser un SVE (Service Volontaire Européen) pour plus d’un an… Il faut dire qu’après cette expérience, je ne savais plus décrochée, j’étais bien "continentisée" ! Je suis donc restée une volonterre bien active tout en réalisant en parallèle un an d’études dans une école de théâtre-mouvement. Seulement voilà, petit pied de nez de la vie, mon école de théâtre ferme ses portes la veille de la rentrée. Je me retrouve sur le carreau mais heureusement (ah la vie est bien faite), RdC propose un emploi d’EFA. Je postule et l’alignement se met... après avoir été une volonterre bien engagée, les portes du salariat me sont ouvertes avec la stabilité que cela apporte.
Je fais donc officiellement partie de l’équipe permanente composée à l’époque d’Olivia, Alice, Mahé et Sébastien. Ma mission principale est de réaliser des ateliers culinaires pour des groupes dit "précarisés"... je parcours pendant plusieurs mois Bruxelles avec mon caddie et je découvre une grande richesse chez les personnes que je rencontre et une soif d’infos pour manger plus sainement et une grande envie de partager leurs savoirs culinaires ! J’ai beaucoup appris de cette expérience de terrain (voir article) et des autres qui ont suivi car elles m’auront permis d’ajuster ma posture et de mieux comprendre les enjeux de ce qu’on nomme à RdC : la "diversité sociale et culturelle" et que j’oserais nommer dans le sillon de ce qu’Astrid m’a transmis, des pratiques transculturelles. Transculturalité car de ces rencontres nous nous transformons ! Et comme le dit Stromae, nous sommes multiples (en clin d’oeil à son nouveau prochain album "Multitudes") et c’est bon pour notre santé !
Alors voilà qu’après 5 années d’animations au CPAS d’Ixelles, de coordination de la Formation Peuplier et du Cycle Orme, de soutien à la communication et aux espaces sensibilisation et où Louise, Emilie, Daniele puis Élodie, Baptiste nous ont rejoint dans l’équipe, une page se tourne. Je décide de laisser ma place pour partir vers d’autres aventures… Que me reste-t-il de ce voyage ? car voilà surtout l’intention de cet article ! Il y aurait tellement à nommer. Si je ferme les yeux, j’ai en moi et avec moi toutes ces rencontres et ces discussions autour de vaste sujet qu’est l’alimentation. Après des années à en discuter quotidiennement, ce sujet reste intarissable. Je garde donc la beauté de ce thème qui déplie l’intime en nous et fait le pont jusqu’au politique. « Je mange donc je suis »...ce sujet fait partie de nos identités à toutses...d’où l’importance de lui donner une place toute particulière dans nos vies et d’en prendre soin à tous les niveaux. Tout le monde a quelque chose à dire sur ce sujet, même les plus réfractaires ! Je me rappelle de ces jeunes qui paraissaient ennuyés au début de notre rencontre et puis une fois lancés, on ne savait plus les arrêter et de la fierté d’un groupe d’ados de Forest lors de la distribution d’une soupe sur la place Saint Denis réalisée par eux sur base d’invendus provenant des épiceries du quartier et de quelques légumes de saison que j’avais ramené. Toutes ses expériences m’auront appris l’art d’hybrider. J’aime ces décalages et les imprévus que permettaient ses rencontres ! Alors un immense merci à toutes ses rencontres que j’ai faites durant toutes ces années que ce soit dans les animations et les formations. Elles m’auront permis de me décentrer, de percevoir d’autres vécus et réalités... qui m’auront rendu plus humaine car plus consciente de la disparité de nos réalités tout en étant plus imprégnée de la richesse de toutes ces cultures qui composent la Région de Bruxelles !
J’ai aimé ce métier à RdC car tu auras beau essayé de préparer au mieux (d’avoir un beau déroulé par exemple), c’est finalement parfois tout autre chose qui se passe ! C’est constamment apprendre à écouter ses intuitions et oser prendre des détours. Oui ces métiers nous poussent à oser, oser, oser. Pour ça, ses années d’expériences au sein de RdC auront été une sacrée école des possibles ! Je garde d’ailleurs cette phrase dans mes bagages : “Le réel est étroit, les possibles sont immenses”. Je l’ai découverte taggée sur les murs de la rue de la Maison de la paix, haut lieu où résident de joyeux collectifs d’associations (tel RdC, Fian, AIA, Agir pour la paix, Tactic, SCI..) qui inventent et résistent face à la morosité et la violence du monde capitaliste. Et j’aurais appris aussi que les possibles sont d’autant plus puissants et goûtus quand ils sont partagés et quand ils sont collectifs. Je remercie ces heures d’échanges (autrement dit de réunions ;) avec mes collègues, partenaires de réfléxions et de terrain. Trouver des solutions ensemble et les concrétiser aura été pour moi une source immense d’émancipation ! En pratiquant ce métier, j’ai pu déconstruire ce monde tout en étant dans le concret... cela m’aura permis d’oser prendre des risques et surtout d’oser être moi. Une vraie école de la vie... et je pense que tous les milieux dans lesquels nous passons autant de temps devraient pouvoir nous inviter à être nous même. J’ai bien conscience que c’est loin d’être le cas donc gratitude infinie et même au-delà !
Alors oui quand il y a trop à dire, un seul mot : MERCI ! Merci pour toute cette posture que j’ai intégrée après toutes ces années de par les essais/erreurs, les réussites, les évaluations "aux petits oignons" et de par cette réflexivité permanente incarnée par RdC ! Merci pour cette systémique des liens dans tout ! Merci pour ces lectures qui nous font voler haut et donnent plus de sens encore à nos actions. Merci pour ces valeurs de partage infini, de boucles de réciprocité, de respect du vivant et de joie d’en être ! Merci de laisser une place à l’invisible et de tisser avec lui ! Merci d’invoquer les ponts plutôt que les murs et de continuer à chercher à décloisonner nos mondes. Dans des sociétés politiques qui se referment sur elles-mêmes, nous avons tout intérêt à aller vers l’autre, vers la différence qui reste une source infinie, selon moi, d’apprentissages pour toutses ! Vive la conflictualité qui libère ! Vive les liens qui nous font aller plus loin sur le chemin ! Merci pour tout cela et bien plus encore… Les mots ne sont pas suffisants pour dire tout ce avec quoi je repars ! Une chose est sûre, j’ai trouvée comme une famille chez RdC avec qui il est possible de créer des ilôts de résilience et de réenchantement face aux enjeux systémiques auxquels nous sommes confronté.e.s ! Et ce sentiment d’appartenance empuissante..! Il permet de prendre son envol, sereine, car on sait qu’on a toujours un point de chute dans lequel reprendre des forces.
En cette nouvelle année, je souhaite donc une longue vie à toutes ces valeurs de joyeux luron.nes en soif de plus de justice sociale et écologique que vnous, membres du collectif RdC, sympathisant.es et lectrices.lecteurs, nous incarnons… !
Que le collectif RdC puisse continuer à insuffler cette joie propre à elle : son humour et son autodérision qui sont des alliés si précieux face à l’absurde ! Qu’il puisse garder son coté famille tout en gardant son sens des responsabilités face aux enjeux et son sens de l’engagement ! Et que ce collectif puisse rester un refuge en ces eaux troubles dans lesquelles nous naviguons où l’on peut se sentir libre. Libre de se questionner, de chercher, d’inventer des possibles et de s’engager avec tout notre coeur, toutes nos tripes, tout notre vivant !
Aussi en ces temps où l’on parle de contagion à tout va, que RdC puisse rester un lieu de contagion heureuse dans lequelle nous semons, semons, s’aimons <3
Bâtisseuses & bâtisseurs de possibles, je vous aime !
Je vous dis à bientôt sur le chemin !