En avril dernier, des mutuelles belges et françaises ont rappelé au Parlement Européen les coûts élevés des cancers dus à l’amiante et aux pesticides. A cette occasion, la prise de parole de la Société Scientifique de Médecine Générale est devenu un appel, qui peut être cosigné sur le site de Dr Coquelicot par ici.
Voici le texte de l’appel. Si vous souhaitez le signer, c’est par ici
APPEL
En tant que professionnels de la santé, nous sommes très inquiets.
Nous sommes très inquiets car nous sommes toutes et tous contaminés
par les pesticides, y compris pendant des périodes de vie de haute
vulnérabilité à leur toxicité. Femmes enceintes, bébés, enfants,
adolescents. Personne n’y échappe.
Les études de biomonitoring montrent que dans notre pays, les
pesticides sont d’ailleurs parmi les polluants les plus retrouvés chez
les enfants. Le dernier biomonitoring wallon a mis en évidence que 99%
des urines des enfants de 3 à 11 ans montrent des traces d’au moins un
insecticide et que les concentrations étaient d’ailleurs plus élevées
chez les enfants que chez les adolescents ou les adultes.
Est-il normal qu’un bébé vienne au monde avec des pesticides dans le sang ?
Est-il normal de retrouver des pesticides dans le lait maternel qui est censé être le meilleur aliment pour le nouveau-né ?
Est-il normal de retrouver du boscalide, du captane, du
prosulfocarbe, de l’acétamipride et encore bien d’autres pesticides dans
les petits pots de légumes et de fruits pour bébé, dans les boissons
lactées ou encore dans les céréales infantiles ? Nous ne pouvons
l’accepter.
En Belgique, chaque année, plus de 5000 tonnes de substances actives
pesticides sont utilisées. 1/3 de ces substances autorisées en Belgique
sont cancérigènes, toxiques pour la reproduction et toxiques pour les
organes. De nombreuses substances actives ont des effets de perturbation
endocrinienne. Certaines sont des PFAS.
Sans oublier toutes les autres substances ajoutées à la molécule
active, les co-formulants, dont plusieurs sont des biocides en
elles-mêmes (métaux lourds, arsenic, hydrocarbures, …)
L’impact des pesticides sur le déclin de la biodiversité et sur la
santé humaine est considérable. Ce ne sont pas des opinions. Ce sont des
faits scientifiques.
Les effets sur la santé sont bien documentés et le faisceau de
preuves ne fait que se renforcer. Cancers (1ère cause de décès en
Belgique), troubles de la fertilité, troubles du développement
neurologique, maladies neurodégénératives, endométriose, pathologies
thyroïdiennes, respiratoires, métaboliques, surpoids, obésité. Derrière
cette liste de pathologies, combien de vies brisées, combien de familles
endeuillées ?
Nous ne pouvons accepter que la santé soit la variable d’ajustement des systèmes alimentaires industriels.
Nous ne pouvons accepter que la santé soit la grande oubliée des
discussions et des décisions prises ces dernières semaines en matière
d’agriculture.
Aujourd’hui, les externalités négatives du complexe industriel
agro-chimico-alimentaire sont assumées par la société, par nous toutes
et tous. Les coûts en termes d’impact sur la santé sont colossaux.
L’épidémie de maladies chroniques, outre toutes les souffrances qu’elle occasionne, ne fera qu’appauvrir la collectivité.
Nous ne pouvons accepter que la santé soit sacrifiée sur l’autel de la prospérité de l’industrie agro-alimentaire et chimique.
Nous sommes particulièrement inquiets de constater la régression en
matière de régulation de ces pesticides. En effet, parmi d’autres
reculs, la Commission européenne a dernièrement retiré son plan de
réduction des pesticides, a accordé la prolongation du glyphosate pour
10 ans et a accordé une prolongation pour des pesticides tueurs
d’abeilles (SDHI Succinate DesHydrogenase Inhibitors).
Notre pays s’est également illustré ces dernières années par une
politique de dérogations successives accordées pour plusieurs pesticides
toxiques.
Est-il normal de ne pas pouvoir citer le mot pesticides dans les
campagnes de sensibilisation à destination du grand-public et en
particulier à l’attention des femmes enceintes ou en désir d’enfant ?
Comment expliquer l’omerta qui règne au sujet des pesticides au sein
même de certaines de nos administrations qui ont pour rôle d’être au
service de la population ?
Nous, professionnels de santé, affirmons qu’on ne peut impunément
balayer d’un revers de main les données scientifiques. À l’instar de
nombreuses autres sociétés scientifiques, comme l’Endocrine Society, la
Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique (FIGO) et
encore bien d’autres, il est de notre devoir de prendre position afin de
protéger tous nos patients, et en premier lieu, les
enfants, les agriculteurs et agricultrices qui sont les premières
victimes de ces pesticides.
C’est pourquoi nous demandons à tous les décideurs de prendre, enfin, leurs responsabilités.
Nous plaidons pour une politique alimentaire vertueuse qui protège la
santé et l’environnement car c’est ce que nous avons de plus précieux.
En tant que professionnels de la santé, et en partenariat avec le
monde agricole, nous avons un rôle à jouer dans la mise en œuvre de
cette politique alimentaire vertueuse qui préserve le vivant dont nous
faisons partie.