Julia - Portrait de volonTerre
Autoportrait d’un voyage dans la cuisine écologique et politique
Design et consommation
Je suis Julia, une journaliste russe. Dans ma première vie, j’habitais à Moscou et écrivais sur les belles choses : meubles, maisons, hôtels, que seuls les riches pouvaient se permettre. J’ai essayé de promouvoir le design durable mais, en gros, la conscience écologique n’était pas au cœur de mes sujets. La Russie des années 2000-2010,
c’est le royaume de la consommation. Et je ne faisais pas exception.
Éveil de la conscience écologique et ode à la Belgique
En 2014 j’ai déménagé à Bruxelles et découvert une tout autre ambiance : le tri obligatoire des déchets, les
magasins « second-hand » et les ateliers de réparations, les composts et les potagers collectifs... Peut-être
qu’ici, en Belgique, vous croyez vivre dans une société de consommation qui va droit vers l’enfer. Mais vous avez déjà tellement fait pour la transition écologique ! Et les initiatives venant d‘en bas sont soutenues par les pouvoirs
publics. Combien de projets et asbls* existent grâce aux subsides !
Certes, tout n’est pas rose, mais moi, une étrangère, je n’arrête pas d’admirer les changements positifs qui s’opèrent sous mes yeux.
Enthousiasmée, j’ai plongé dans cet océan de possibilités. Je me suis impliquée dans le potager et le compost collectifs dans notre quartier (merci, Elzenhof, c’était deux chouettes années !) J’ai participé à des « challenges » et ateliers, suivi des cours et de petites formations. Et tout ça sans dépenser un sou !
Permaculture, potager en ville, compost, mode de vie « zéro déchet » sous différents angles - le champ des sujets était vaste.
Cuisine zéro déchet et URSS
Entre autres, j’ai découvert « la cuisine zéro déchet ».
Le terme, pas le principe. Planifier les repas, veiller au contenu de son frigo et de ses placards, acheter juste ce qu’il faut, cuisiner les produits en entier, finir les restes, congeler, faire des bocaux... En apprenant les principes de la cuisine zéro déchet, j’ai eu une sensation de déjà vu. Eh ! mais c’est mon enfance que vous décrivez ! J’ai connu l’époque soviétique. L’économie planifiée avait surtout des défauts : bas salaires, pénurie, priorité à l’industrie lourde et à l’armée, standardisation dans tous les domaines, absence d’échanges avec le monde, etc) mais aussi un avantage : on vivait dans le monde zéro déchet.
On se déplaçait en transports en commun et à vélo, la voiture étant un grand luxe. Les vêtements et autres objets de la vie quotidienne manquaient, donc on les partageait, réparait, échangeait, et ça pendant des décennies. Il n’y avait pas de plastiques. Les bouteilles en verre, les boîtes en aluminium et les emballages en carton étaient soigneusement recyclés. On allait au magasin avec nos sacs réutilisables (avoska). Il n’y avait ni supermarchés, ni produits transformés, les magasins s’appelaient « pain », « légumes », « lait » : tout était brut et en vrac. Tout... ou plutôt rien : les magasins étaient vides. Il fallait faire de longues queues et après se battre pour un bout de viande congelée ou une boîte de conserve). Les repas étaient planifiés jusqu’au milligramme et si une miette tombait par terre, on n’hésitait pas à la ramasser et à la manger. Pour survivre, chacun avait un potager où il cultivait ses légumes qui
finissaient en saumure dans les bocaux récupérés. On dirait exactement le mode vie recherché par les adeptes du zéro déchet européen.nes (sans qu’il y ait pénurie, peut-être…)
Cuisine zéro déchet et écologie
Les formations ne m’ont pas appris comment ne pas jeter de la nourriture : c’était dans mon ADN. Mais j’ai découvert pourquoi il ne faut pas jeter. Un tiers de la nourriture produite au monde est jeté, un tiers des terres agricoles au monde est utilisé pour produire cette nourriture et est responsable de 9% des gaz à effet de serre. J’étais profondément choquée par l’impact écologique de cet immense gaspillage. Et, d’ailleurs, j’ai commencé à distinguer le gaspillage et les pertes. On dit que la nourriture est "perdue" si c’est arrivé pendant la
production, la récolte, le transport ou la transformation. Elle est "gaspillée" quand il s’agit de l’étape d’après, pendant la distribution et chez les consommateurs. Sur 31% de la nourriture non-consommée 14% sont perdus et 17% sont gaspillés. Et ces 17% on peut les changer.
En outre, j’ai compris que la cuisine russe-soviétique n’est pas la seule à avoir des recettes zéro déchet. Par exemple, il nous manque la partie « accommoder les restes ». On ne transforme pas la purée en croquettes, on la mange tout simplement !
Donc je me suis lancée dans la recherche de recettes populaires et familiales dans d’autres cuisines du monde. Ma belle-famille française, mes voyages, les livres et les blogs sur internet étaient mes sources principales. En plus j’ai commencé à inventer et à expérimenter. L’envie de ne rien jeter a réveillé une créativité folle en moi. Un moment, j’ai senti que je pouvais « exploser », si je ne partageais pas cette information.
Mais comment ?
Rencontre des Continents et d’autres rencontres
Si tu habites à Bruxelles et que tu t’intéresses à l’alimentation et à l’écologie, tu vas obligatoirement croiser sur ton chemin l’asbl* Rencontre des Continents. Ca m’est arrivé il y a deux ans. Dans la newsletter good food* j’ai vu une annonce qui proposait une formation en alimentation durable. Je connaissais le développement durable, mais l’alimentation.. ? Curieuse, j’ai contacté les organisateurs, passé un entretien ; j’ai été prise et j’ai suivi une formation avec le joli nom de Hêtre. J’ai découvert les enjeux éthiques, politiques et écologiques de
l’alimentation, rencontré des gens passionnés qui essaient de faire bouger les choses et j’ai commencé à aimer les légumineuses :) J’ai eu une chance dingue avec mon groupe : même après la fin du cycle, on a continué à explorer les initiatives en alimentation durable à travers tout Bruxelles.
Don contre don et Kom à la maison
Un des principes de fonctionnement de Rencontre des Continents c’est
le « don contre don ». Ça vient du temps où les gens ne payaient pas pour chaque objet et service. Ils échangeaient, mutualisaient, empruntaient, partageaient.. Les formations de RdC*sont gratuites ou peu chères ; en échange il est possible de devenir un VolonTerre et de participer aux diverses activités.
J’ai pu animer quelques soirées de la Formation Orme et partager certaines de mes recettes « zéro déchet ». La question « comment partager mes connaissances et mon expérience » a reçu une réponse : en cuisinant !
Parmi les rencontres que j’ai faites avec mon groupe Hêtre, il y a eu celle avec « Kom à la maison », le premier restaurant participatif de Bruxelles. J’ai proposé de faire un déjeuner ukranien avec les réfugiés qui vivaient chez nous. Ça a bien marché et j’ai commencé à animer régulièrement les repas à thème et les ateliers, avec toujours un accent mis sur le « zéro
déchet ». Ce que je trouve génial dans ces rencontres autour de la table c’est que j’apprends autant que je donne !
Cuisine zéro déchet avec Julia et ???
Même si j’adore cuisiner et rencontrer des gens, je n’ai pas abandonné mon métier. Je partage aussi mes connaissances par écrit. J’ai un blog sur Instagram, en russe. Même si mes compatriotes ont eu la même expérience que moi, beaucoup ont préféré l’oublier et ils profitent à fond de l’abondance tardive en Russie aujourd’hui. Il faut réintroduire la cuisine zéro déchet et redorer son blason.
En janvier de cette année, j’ai lancé une newsletter Cuisine zéro déchet avec Julia. Une fois par semaine mes abonne.es reçoivent une lettre avec des annonces ou de l’info et une recette. J’essaie d’éviter les recettes classiques, avec des ingrédients fixes et des proportions strictes. Elles sont ennemies du zéro déchet ! Je les présente comme « principes de base » (merci RdC pour le concept !) que vous pouvez adapter à votre guise.
Vous pouvez vous abonner par ici : http://eepurl.com/iiiwMz
Plusieurs personnes m’ont réclamé de ressembler le contenu de ces
newsletters quelque part. J’ai longtemps résisté parce que je trouve qu’il
y a déjà assez d’info sur le net, mais finalement, je me suis lancée et le site est en cours de création !
Vous pourrez trouver mes recettes, mes articles et les annonces concernant tout ce que je trouve utile.
Et enfin je vais vous parler de mon rêve : écrire un livre « Cuisine zéro déchet autour du monde ». J’aimerais partir à la recherche de gens de différentes origines et récolter leurs souvenirs, comme le mien que j’ai partagé avec vous ici. Ensemble on pourrait décrire un monde où la nourriture serait chose précieuse et le travail des gens qui la produisent serait respecté.