Steve Cutts, célèbre depuis son cout-métrage à succès « Man », revient avec une vidéo encore plus sombre que les précédentes, exposant cette fois ci l’absurdité de la société de consommation. L’illustrateur anglais résidant à Londres, qui a également réalisé le clip vidéo pour la chanson de Moby Are You Lost In The World Like Me ? dans lequel ils critique l’addiction aux smartphones, publie la vidéo intitulée « Happiness » sur YouTube.
Vidéo "Happiness" ici :
Steve Cutts fait partie des caricaturistes engagés les plus connus de l’internet. Ses vidéos font le tour du monde, totalisant plusieurs dizaines de millions de vues et ses caricatures sont facilement reconnaissables à leur style singulier. L’artiste s’est fait remarqué à plusieurs reprises, notamment avec le court-métrage « Man » dans lequel il dépeint la folie destructrice de l’humanité. Ses vidéos, plus critiques les unes que les autres reviennent toujours aux mêmes thèmes : l’égoïsme chez certains humains, la destruction de l’environnement, le dogme de la consommation de masse ou encore l’envahissement de nos sociétés par la publicité.
Bonheur illusoire ?
C’est avec tout autant de réussite qu’il nous propose, juste après le fameux Black Friday, une critique sociale dénonçant en filigrane l’uniformisation galopante de nos sociétés dans un court-métrage intitulé « Happiness ». L’artiste expose des individus asservis et aliénés par le travail, la pub et la consommation, perdant entièrement de vue la possibilité de s’épanouir autrement qu’à travers l’accumulation matérielle et le superflu. C’est aussi la société du paraître qui se trouve ici décortiquée, alors que la réussite sociale se mesure aujourd’hui à ce que chacun possède et à la taille du compte en banque.
Pourtant, cette richesse matérielle est-elle réellement synonyme de bonheur et d’épanouissement personnel ? Trouve-t’-on véritablement de la joie dans la consommation à outrance, alors même que l’activité humaine détruit notre environnement ? Steve Cutts met profondément en doute ces thèses qui relèvent avant tout d’un dogme sociétal, alors que la frénésie consumériste et la marchandisation du monde prennent le pas sur toute pensée politique et réduisent les individus au rang d’outil au service de la « méga-machine » à produire et consommer.
Son regard rejoint ainsi ce qu’ont déjà pointé philosophes et sociologues, d’André Gorz à Serge Latouche, qui exposent dans leurs écrits comment la course au toujours plus engendre une insatisfaction permanente, chaque acquisition étant vite suivie par de nouveaux désirs insaisissables. Mais le cercle vicieux est entretenu par les grandes marques et les multinationales par l’intermédiaire des médias, de la publicité, de l’obsolescence programmée et de l’injonction à toujours être à la mode et, forcément, happy. Le caractère uniformisé de nos désirs laisse songeur. Le paradoxe est d’autant plus grand que dans une société du culte de la personnalité et de l’individualisation à outrance, nous nous confondons chaque jour de plus en plus avec une masse uniforme.
Réaction collective
Steve Cutts montre comment, pris dans une boucle sans fin dont il est difficile de se soustraire seul, les individus se soumettent volontairement ou non à un système spécifique de valeurs (travail, richesse…) sans en remettre en cause les mécanismes profonds. Déconnectés du process politique (au sens citoyen), il ne leur reste alors plus qu’à continuer de tourner en rond, au prix de leur santé, leur moral, mais aussi des interactions sociales. Des éléments d’actualité viennent confirmer les craintes de l’artiste : selon une étude rendue publique cette semaine, un salarié français sur quatre serait en situation d’hyperstress. La société de consommation peine à offrir une vision positive de l’avenir alors même que les multinationales qui contrôlent les marchés n’ont que la rentabilité en ligne de mire. Comment ne pas faire de parallèle avec les frustrations grandissantes, les violences, la montée des idéologies extrêmes.
On notera cependant que la critique exprimée par Steve Cutts gagne du terrain et qu’elle devient progressivement plus audible. Pendant ce temps, le mouvement de celles et ceux qui s’organisent pour vivre mieux grandit de jour en jour. Car il n’y a aucune fatalité à la réalité d’aujourd’hui. Partout, les initiatives citoyennes fleurissent et permettent d’encourager et de développer des modes de vie alternatifs pour s’évader collectivement de cette société consumériste. Car, à n’en pas douter, simplicité et sobriété heureuse sont plus riches en bonheur qu’une bouteille de soda ou un nouvel écran plat.
Source : https://mrmondialisation.org/le-dernier-court-metrage-choc-de-steve-cutts/